Je me souviens d’une visite traumatisante chez une pédiatre pour mon fils, il était à peine âgé de deux ans, et je me rendais pour la première fois chez elle pour un avis médical. Il a eu droit à un examen complet, un vrai interrogatoire plutôt ! Il en est sorti une phrase, ou plutôt une affirmation : “Il a un problème avec les couleurs vot’ fils madame !”. (Chèque, au revoir, partie en claquant la porte …).
Vous aussi vous la sentez, la pression sur “les couleurs” ?
Je vais donc vous narrer ici notre expérimentation autour des couleurs, parce que non, on n’apprend pas les noms des couleurs, mais on les absorbe, on les observe, on les mélange, on les vit !
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Au commencement, comprendre le concept de “couleurs”, les discriminer, les mettre en paires, les nommer
Les couleurs, ça fait un bon moment qu’elles sont au centre des intérêts à la maison. L’histoire a commencé quand j’ai fabriqué mon premier mobile des octaèdres, Luce devait avoir un peu moins de deux ans. Je l’avais fabriqué pour en comprendre l’utilité et le fonctionnement, et j’ai fini par l’accrocher au-dessus de son lit, en décoration (oui, elle avait résolument passé le stade de perception des couleurs primaires, mais en déco, c’est plutôt sympa, non ?).
Le soir, nous avions pour habitude d’observer les octaèdres du dessous, et je lui disais le nom des couleurs en les signant, et on jouait à Et ça, quelle couleur est-ce ?… Bref, un dialogue de début de nuit de parent éducateur, rien de plus ! Et chez nous, c’est risible, car ça donne :
“Ourg”
“Yaune”
“Beu”
Je n’ai plus souvenir d’une journée depuis sans qu’elle me demande Cé qwa ça ?
Elle mettait déjà en paires depuis très longtemps la première boîte de couleurs Montessori, elle réalisait également d’autres activités de mises en paires de couleurs, notamment grâce à cette mallette à crayons réalisée par une maman montessorienne :
(ne cherchez pas, elle n’en fabrique plus !)
à ce jeu du commerce (là elle a tout juste deux ans sur la photo) :
et aussi grâce à ça (parce que la mise en paires à la main, ça va bien cinq minutes, et que même si on n’est pas dans l’esprit montessorien d’isolement des difficultés, suivre son enfant, c’est bien aussi !) :
Pour mettre en paires, un petit secret : on peut utiliser le signe de la LSF même, en prononçant, c’est la même couleur, c’est une paire !
On a également beaucoup joué avec cette verrine, ces cure-pipes, et cet aimant, à Attrape le jaune, le bleu, le rouge …
et exploré évidemment les couleurs une par une de façon sensorielle, avec par exemple :
l’expérience du colorant repoussé par le produit vaisselle
ou encore de la peinture à la pomme en septembre, quand nous avons récolté les pommes de notre pommier pour en faire du jus :
J’ai donc décidé de procéder à une leçon en trois temps pour vérifier les acquis. Le vocabulaire, c’était ok, je pouvais passer à autre chose !
Alors, j’ai sorti (presque) tous nos livres sur les couleurs (n’y cherchez aucunement Montessori, hein !)
(excellentissime livre, un must have !)
Pour un choix supplémentaire de livres sur le thème, je vous conseille l’article d’Hélène ici.
On a beaucoup lu, on a beaucoup joué, on a beaucoup décrit, on a beaucoup parlé, le tout en prononçant et en signant les couleurs : signer le nom des couleurs permet à l’enfant d’utiliser un support de mémorisation supplémentaire. Ainsi il va pouvoir ancrer le concept d’un mot dans son corps, en passant par les fonctions de mémorisations motrices.
Il aura donc des supports :
- corporel (le signe),
- visuel (le fait de voir la couleur, mais aussi le signe),
- auditif (il entend le nom prononcé de la couleur).
Il y a quelques années, j’ai réalisé un document en lien avec une dessinatrice, Les crayons de Miss Purple, il s’agit d’une fleur de couleurs reprenant la majorité des couleurs en LSF. Une fois découpée, ça donne ça :
et pour la réaliser, vous n’avez qu’à imprimer ce document-ci, c’est cadeau !
Fleur des couleurs en LSF
Bref, une fois que votre enfant a bien assimilé le concept des couleurs (au moins les couleurs primaires), vous pouvez passez aux mélanges de couleurs. Et c’est là qu’on commence à s’éclater !
Je travaille les mélanges de couleurs un par un, en commençant par le jaune et le bleu, puis le rouge et le jaune, je termine enfin par le rouge et le bleu. Pourquoi ? J’ai été bercée par l’histoire de Petit Bleu et Petit Jaune, petite !
J’essaye de trouver de nouvelles idées pour chaque mélange, afin d’impressionner (sur le plan émotionnel et sur le plan de l’image cérébrale) Lulu.
Ainsi nous avons testé :
source d’inspiration ici
des disques découpés dans des pochettes plastifiées, un pulvérisateur rempli d’eau, et le tour est joué
plus classique, mais indispensable, la peinture avec les pieds
la peinture propre, à l’intérieur d’un sac de cuisson scotché à la table
les flacons des mélanges colorés (voir article consacré à ces tubes)
une activité multisensorielle de transvasement de glaçons colorés/parfumés à la pince à sucre (et regardez comme on travaille bien la musculation de la pince pouce index majeur) et de mélanges de couleurs primaires (les glaçons créent la couleur secondaire en fondant)
une table en verre, une lampe qui change de couleurs, des blocs sensoriels, et une observation des changements de couleurs en fonction des variations de la lampe
des colorants pour le bain (pas encore testé avec Lulu, mais les deux grands ont approuvé dans leur petite enfance)
attention, certains enfants peuvent être dégoûtés à l’idée de se plonger dans une eau colorée
C’est seulement une fois toutes ces expérimentations vécues multisensoriellement que j’ai sorti les livres concernant les mélanges de couleurs :
Attention !
Cet article retrace notre travail autour des couleurs depuis 6 mois. L’accumulation des idées peut paraître sur stimulante et issue de la volonté de l’adulte mais c’est bien une fois de plus l’observation de l’enfant qui fait la différence dans la mise en place des pédagogies. En observant l’enfant, en répondant à ses centres d’ intérêts ou sensibilités, on l’accompagne dans son développement, on ne le stimule pas !