Les petits Montessori, la librairie des écoles

La librairie des écoles m’a contactée pour avoir un retour des 4 petits cahiers de lecture Montessori écrits par Sylvie D’Esclaibes. Sans vous mentir, au début, j’avais hésité, car, en les feuilletant, je trouvais qu’ils n’apportaient pas grand chose en plus de ce qui tournait déjà sur internet. La commerciale m’a dit que mon avis les intéressait quand même, c’est la raison pour laquelle ils sont chez moi depuis quelques jours.

Vous connaissez mes articles : j’essaye d’être la plus neutre et objective possible dans mes avis, car, contrairement à certains bloggeurs, je ne cherche pas à recevoir gratuitement les livres de la part d’éditeurs (aucun règlement de compte, hein, juste envie de lire vraiment des avis objectifs et argumentés !) Ainsi, quand on me propose du matériel contre un article, j’y réfléchis toujours à deux fois avant d’accepter.

Les lignes que je vous écris concernent donc mon avis a priori, avant utilisation, car évidemment, je vais les tester avec Lulu (et j’ai même commencé ce matin), mais pas tous, vous allez comprendre pourquoi.

D’un point de vue général

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Les cahiers sont simples, accessibles, agréables à regarder et à manipuler. Le format choisi est idéal, et les cahiers remplaceront aisément les photocopies peu engageantes distribuées aux élèves dans les écoles. Lulu a aimé ce matin recevoir SON cahier, elle a l’impression de faire un peu comme les grands.

Dans les premières pages, et j’ai trouvé ça plutôt honnête, l’auteur repose le cadre en disant que les cahiers n’ont pas la prétention de se substituer au matériel. Après avoir épluché tous les cahiers, ma réponse est formelle, ils ne pourraient pas s’y substituer. Ces cahiers proposent des activités intéressantes, mais sans connaissance de la pédagogie Montessori, je trouve difficile de les insérer dans une progression. Que proposer en premier ? Quand aller vers l’écriture de mots avec l’alphabet mobile ? Quand commencer l’écriture de lettres cursives ? En observant simplement son enfant ? Difficile pour un parent non formé à cette pédagogie, non ?

Les livres sont articulés autour d’exercices, de citations de Maria Montessori, d’explications aux parents, d’idées de jeux très intéressantes. Néanmoins, j’ai trouvé dommage que ces idées ne soient pour certaines pas plus détaillées, et que l’on essaye de placer des thèmes à la mode en ce moment comme les neurosciences et la bienveillance, qui n’ont pas leur place dans ces petits cahiers.

De façon détaillée

1. Le cahier « J’écoute les sons »

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Il débute par des idées de « jeux » autour des sons plutôt sympathiques. J’emploie le mot « jeux » car nous sommes loin des présentations montessoriennes, et tant mieux ! Les parents ne sont pas des éducateurs. On propose donc aux parents de mettre en place des jeux avec leurs enfants, jeux d’où découleront forcément des dialogues, et donc, un renforcement du langage, et ça, ça me plaît.

Après ces premiers jeux, l’auteur lance directement l’enfant sur des exercices par écrit autour des sons. Lulu a adoré faire ces petits exercices, avouons-le ! Elle baigne dans l’étude des sons depuis sa naissance, et n’a donc pas été mise en difficulté sur ce type d’exercices. Qu’en sera-t-il pour un enfant qui n’a jamais travaillé sur les sons ? La réponse arrive p.18 où l’on nous propose une version du jeu « Je devine ». Vous avez donc plutôt intérêt à lire tout le cahier avant de le proposer à votre enfant, et à comprendre qu’il faut bien entendu commencer par des jeux autour des sons, puis le jeu je devine, avant de lancer l’enfant sur ce type d’exercices.

Je vous remets ici le lien d’un article que j’avais écrit, concernant les pré-requis nécessaire à l’introduction du jeu « Je devine » :

Cliquer ici

Les exercices sont bien pensés, et j’aime beaucoup les consignes dont la compréhension est augmentée par un dessin.

Les illustrations sont magnifiques, très douces et détaillées (on comprend parfaitement de quel objet il s’agit dans tous les livres).

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Lulu sait entourer, relier, barrer et colorier, ça ne lui pose donc aucun problème. Pour les enfants dont le geste graphique est encore limité, on pourra se contenter de leur demander de pointer la réponse, ou de ne proposer que des activités avec du matériel concret.

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L’auteur propose de travailler sur les sons des débuts de mots, de milieux de mots, puis de fins de mots. Sur quasiment chaque page se trouvent des idées d’activités pour aller plus loin : jeu des devinettes, son mystère, petit bac, comptines (pour lesquelles il aurait peut être fallu quelques exemples).

Je vous propose ici en complément de nombreuses comptines avec allitérations (qui proviennent de l’académie de Guadeloupe, mais impossible de retrouver le lien de téléchargement !).

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Comptines jeux de langue Cycle 1

Pour les phonèmes dont les graphies sont un peu plus complexes, je vous conseille vivement : Mots polissons pour attraper les sons, éditions Actes Sud Junior.

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En conclusion, ce premier petit cahier est plutôt bien ficelé, je le recommande en complément d’une progression concrète autour du matériel Montessori. Il pourra fixer les acquis pour les enfants en demande de « travail scolaire ».

2. Le cahier « Je trace les lettres »

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J’ai mis beaucoup de temps à comprendre qu’il s’agissait du deuxième cahier. J’avais en premier lieu compris qu’il s’agissait d’un cahier d’écriture, et en y réfléchissant bien, je n’ai toujours pas vraiment compris à quoi il servait vraiment.

Dans un premier temps, on nous propose dans ce cahier de créer des lettres rugueuses en utilisant la police cursive standard et de les coller sur des planchettes en bois au préalable peintes à la bombe.

Ensuite, chaque double page se présente de la même façon : à gauche, une main invitant à repasser sur la lettre, et à droite, je comprends qu’il faut tracer la lettre entre les pointillés. Et manque de bol, le cahier est imprimé avec un code qui n’est pas le mien : consonnes roses et voyelles bleues : zut !

S’agit-il d’un cahier pour apprendre le son de chaque lettre ou d’un cahier d’écriture ? Propose-t-on à l’enfant de repasser avec deux doigts sur une lettre non rugueuse ?

Sur la citation, en haut, nous lisons : « La préparation de l’écriture se fait sans écrire … ». Alors pourquoi l’enfant doit-il repasser la lettre sur un modèle qui contraint complètement le geste ?

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Plus loin, on peut lire des informations sur le lien entre le matériel sensoriel (blocs de cylindres, cabinet de géométrie, puzzles …) et la préparation de la pince pour l’écriture (pouce, index, majeur).

Certes le matériel sensoriel proposé en pédagogie Montessori aura une répercussion sur l’écriture, car il fait travailler l’espace graphique, l’alignement, l’espacement régulier, le sens de l’écriture (de gauche à droite) et le sens de rotation des lettres (sens anti-horaire) avec les blocs de cylindres, mais il ne prépare en aucun cas les doigts à tenir un outil scripteur. Ce matériel muscle les doigts, les fait travailler au même titre que les comptines à gestes, les assouplie, mais pour rappel, un crayon est tenu entre la pulpe du pouce et la première phalange du majeur. L’index guide, mais ne joue aucun rôle dans la tenue du crayon.

Pour en savoir plus sur la bonne tenue d’un outil scripteur, c’est par ici : 

Cliquer ici

En matière d’écriture, je suis plutôt dumontienne (Le geste d’écriture, Danièle Dumont), que montessorienne. De ce fait, je n’utiliserai pas ce cahier, m’en je reprendrai peut être quelques idées de jeux qui y sont détaillés.

Pour info, l’auteur penche plutôt pour une utilisation de l’écriture scripte , voici un article qui avait retenu mon attention il y a quelques temps :

https://sylviedesclaibes.com/2014/02/19/cursives-ou-scripts/

3. Le cahier « J’associe les lettres aux sons »

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On nous propose dans les premières pages d’utiliser ce cahier en lien avec le cahier « Je trace les lettres », et on nous présente de façon détaillée une leçon en trois temps.

L’enfant, lui, est invité à relier les lettres aux objets qui commencent par le même son, et à aller chercher dans son environnement des objets qui commencent par cette lettre afin de les dessiner. Le code est encore inversé par rapport au mien, alors j’ai repassé les consonnes en bleu et Lulu, me voyant faire, m’a dit : « Bah oui, il est bleu le ppp ! » On aurait aimé des lettres grisées claires afin que les parents colorient en fonction de leur propre code !

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Les modèles de lettres sont différents des deux premiers cahiers, c’est assez dérangeant … le a, c, d, g, o, q (en gros, toutes les lettres rondes) ont des attaques alors qu’ils n’en avaient pas dans les deux premiers cahiers … je n’ai plus qu’à redessiner les modèles et à les imprimer sur du papier autocollant, avec mes bonnes couleurs à moi 🙂

Pour aller plus loin, on nous propose :

  • du piquage de contour de lettres,
  • de chercher des lettres dans les journaux, des livres, des enseignes (sauf que le cursif, ça ne court pas les rues !)
  • de montrer les lettres sous toutes leurs formes sur les panneaux routiers par exemple (et là, oui, je suis plutôt d’accord !)
  • des jeux vraiment sympas : loto des sons, mémory des sons, petit bac que je vais proposer dès demain à Lulu

4. Le cahier « Je lis mes premiers mots » (mais j’écris aussi !)

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Dans ce cahier, on nous propose de réaliser un alphabet mobile en papier afin de proposer des activités d’écriture de mots aux enfants.

On nous rappelle que l’écriture précède la lecture et on lance l’enfant dans l’écriture des premiers mots : sac, mur, fil, os, vis, bol. Il s’agit de la première série de mots de la série rose. L’autocorrection se fait, je suppose, par le nombre de tirets désignant le nombre de lettres nécessaires.

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Les activités alternent entre écriture de mots et lecture de séries de mots, de phrases courtes et de phrases longues. On nous propose une série rose comprenant des mots de 2 et 3 lettres, puis une série bleue à 4 et 5 lettres.

Dans les premières séries, on peut voir des mots comme bec, sel, ver, fer, mer, net … Si cette série de mots a souvent été proposée dans le passé, elle ne l’est plus actuellement. Sa présence antérieure provient de la traduction littérale des séries de mots italiennes. Dans cette langue, on peut facilement écrire « becco, sale, ferro, mare … » puisque la transcription phonie/graphie est simple pour l’enfant. Les séries roses sont donc adaptées à chaque langue, en fonction de ses particularités (j’en parlais d’ailleurs récemment avec une éducatrice ayant travaillé en Allemagne). Ces premiers mots n’ont donc plus lieu d’être en France.

Plus loin, on nous demande de transmettre quelques mots outils de façon globale « et, est, dans … » afin de permettre aux enfants de lire des phrases plus complexes. Je ne me prononce pas sur cette façon de faire, j’en reparlerai quand je le vivrai avec Lulu.

Bilan

Je suis assez mitigée pour plusieurs raisons :

  • je ne vois pas ce qu’ils peuvent apporter en plus à ceux qui pratiquent déjà la pédagogie Montessori, à part vouloir coller avec les programmes de l’Education Nationale avec des cahiers plutôt scolaires,
  • je ne suis pas certaine que des parents non connaisseurs de cette pédagogie se lancent dans l’aventure avec ces cahiers, mais pour ça, il faudrait le leur demander (et que les éditeurs envoient aussi des livres en test à ces parents-ci)
  • une des grands principes de la pédagogie Montessori n’est pas respecté : l’autocorrection. C’est donc l’adulte qui assurera cette tâche …

Quant à moi, j’utiliserai les cahiers 1,3 et 4 en « délestage », quand j’aurai besoin de m’occuper des deux aînés. J’y piocherai les idées de jeux que j’ai aimés et que je trouve appropriés et adaptés à ma fille.

Quant à vous, il ne vous reste plus qu’à vous faire votre propre avis, en lisant d’autres articles sur ces livres (et la toile en regorge déjà !).

Merci d'avoir lu cet article. Retrouvez tous mes livres en cliquant ICI.

13 commentaires sur « Les petits Montessori, la librairie des écoles »

  1. Un grand merci pour cet article à la fois détaillé et objectif.
    Effectivement, ces livrets me semblent une fois de plus surfer sur la vague commerciale Montessori actuelle 🙁
    Ils ne me semblent rien apporter de plus que ce que Marie-Hélène Place avait déjà fait dans le très gros cahier de Balthazar.
    Quelques réflexions me viennent cependant à la lecture de ton article: Maria Montessori dit que la préparation de l’écriture se fait sans écrire, parce que pour elle, toucher les lettres n’est pas écrire (et elle a raison, à mon sens). Si tu reprends la fin de Pédagogie Scientifique 1, elle l’explique très bien.
    Comme toi, j’adhère beaucoup à la progression de Danièle Dumont. Elle remet en question la progression montessorienne des tableaux lignés, mais, à mon sens, pas celle des lettres rugueuses comme préparation. En touchant avec les 2 doigts scripteurs qui ont le rôle le plus précis, on préparer bien au tracé. C’est justement parce que l’index est le guide du crayon qu’il est important qu’il touche la lettre. Par contre, repasser au crayon une grande lettre, comme je vois dans le livret, me semble totalement inadapté car la tenue du crayon sera forcément différente de celle du geste d’écrire, effectivement.
    Quant à la tenue du crayon, elle est largement travaillée par tous les exercices de vie pratique et sensorielle qui mobilisent la pince à 3 doigts puis affinée avec les formes à dessin dès que l’enfant est près.
    Enfin, en ce qui concerne l’auto-correction, c’est vrai que c’est la règle, mais au moment des premières dictées muettes, nous sommes obligés de faire la correction avec l’enfant car il n’a pas encore le moyen de la faire…
    Sinon, j’adhère totalement à ta remarque sur la série sel, ver, mer, fer… même, si, à mon avis, elle ne provient pas d’une traduction de l’italien car Lubienska de Lenval ne travaillait déjà plus avec Montessori à l’époque.

    1. Bonjour Marie-Hélène, je rebondis sur ton message :
      « Quelques réflexions me viennent cependant à la lecture de ton article: Maria Montessori dit que la préparation de l’écriture se fait sans écrire, parce que pour elle, toucher les lettres n’est pas écrire (et elle a raison, à mon sens). Si tu reprends la fin de Pédagogie Scientifique 1, elle l’explique très bien. »
      Effectivement, c’est bien ce que je dis ici, j’ai lu avec rigueur Pédagogie Scientifique 😉 Ici, je dénonce juste le fait que sous la citation du cahier où l’on lit : « La préparation à l’écriture se fait sans écrire, c’est au moyen de divers exercices, chacun indépendants les uns des autres, que les coordinations nécessaires sont fixées », on peut voit une invitation faite à l’enfant de tracer une ligne à l’intérieur des pointillés d’une lettre … Je trouve ça incohérent ! D’ailleurs le cahier s’appelle « Je trace les lettres ».

      Pour les dictées muettes, pas de problème ici pour l’autocorrection, ma 3 ans et demi gère très bien.

      Concernant les dictées muettes, ici il s’agirait plutôt d’un mix entre les séries roses et bleues que l’on trouve un peu partout et les séries de dictées Lubienska que l’on trouve sur Participassions. Je ne sais pas d’où vient cette erreur de proposer ver, sel, mer … en première intention, mais une chose est sûre, il faut la rectifier !

      1. Oui, je comprends mieux ce que tu veux dire sur l’écriture 😉
        Pour l’auto-correction des dictées muettes, je suis d’accord qu’elle existe sous la forme des billets, mais uniquement lorsque l’enfant arrive à déchiffrer, donc pas pour les toutes premières…
        Enfin, les séries roses, bleus, vertes, me semblent assez récentes et d’origine anglo-saxonnes. Je ne suis même pas sûre qu’elles existent pour l’italien qui est complètement transparent pour l’association lettre-son. Et Lubienska proposait bien sel, mer, fer… en 2ème dictée muette, considérant qu’il fallait apprendre très tôt la règle phonétique du « e » qui fait « è » dans un syllabe fermée.

      2. Merci pour les précisions ! Le e qui fait è dans une syllabe fermée … mon fils de 8 ans ne l’a toujours pas compris hihi !
        Effectivement Lulu a appris à lire avant d’écrire … donc elle gère bien l’autocorrection.

  2. Idem ici, j’avais jeté un oeil sur leur site, regarder d’autres blogs qui avaient écrit un article dessus et ça confirme aussi mon impression. Je trouve que ça rejoint un peu le mouvement actuel de produire plein de livres estampillés Montessori pour « surfer » sur la vague Montessorienne du moment!! Merci pour ton retour très complet comme tous tes articles 😉

  3. Bonjour, Pourquoi,ne faut-il pas faire la dictée sel, mer bec… Je ne comprends pas vos explications…J’ai les cahiers de Nurfeta Zejnulahi (éditions minimots) et ces mots sont proposés et je les propose à ma fille et à mes élèves!! Gloups!! Merci pour tous vo articles et votre blog que j’aime beaucoup.

  4. Merci pour votre réponse. Effectivement, je confirme, ce n’est pas ce qui est le plus simple à expliquer.
    Bonne journée

  5. Merci pour cet article objectif.
    L’opposition renouvelée de Sylvie d’Esclaibes au fait que l’enfant apprenne à lire en cursive est déjà un signal étonnant.

  6. Je vous remercie énormément pour vos éclaircissements parce que justement je voulais les acheter pour mes poussins, mais je devais avoir l’avis des gens professionnels comme vous. Votre avis objectif m’a tellement convaincu et sur ce je vais commander  » j’écoute les sons » pour commencer les ecxercices des sons avec mes enfants mais pour les autres, un point d’exclamation se pose toujours. Est ce que vous pouvez me recommander des livres de ce genre, pour préparer à la lecture et écriture?

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